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Chaplin : une vie.
25 novembre 2017

En Suisse, Charlot fait un carton

Le Figaro, no. 22484
Le Figaro et vous, mercredi 23 novembre 2016, p. 47

voyage

En Suisse, Charlot fait un carton

MUSÉE Sur les hauteurs de Vevey, le Chaplin's World a accueilli plus de 300 000 visiteurs, six mois après son ouverture. Deux fois plus que prévu.

Viguié-Desplaces, Philippe

Exploité par la Compagnie des Alpes qui a acquis un certain savoir-faire dans le monde des attractions avec le Parc Astérix, le Musée Grévin ou le Futuroscope, le Chaplin's World confirme la bonne santé de la filière. Ce succès qui dépasse de loin les prévisions réjouit ses promoteurs qui auraient financé à hauteur de 40 millions d'euros la transformation du Manoir de Ban, propriété de Charlie Chaplin, en un conservatoire de la mémoire de Charlot.

Après son expulsion des États-Unis, victime de la paranoïa d'Edgar Hoover, Charlie Chaplin s'installe à Corsier-sur-Vevey en 1952. Il emménage au Manoir de Ban, belle propriété directoire qui domine le lac. Le vaste parc qui l'entoure est planté d'arbres immenses à la démesure du cinéaste et de l'acteur alors le plus célèbre du monde. Avec Oona et leurs huit enfants, Charlie Chaplin occupera les 19 pièces richement meublées de cette demeure patricienne jusqu'à sa mort, en 1977. Lady Chaplin s'éteint en 1991. La famille continue à occuper la propriété avant, en 2008, de s'en séparer au profit des promoteurs actuels du musée.

Le Chaplin's World est organisé en deux parties. Le manoir d'une part, et un bâtiment entièrement neuf qui prolonge les anciens communs d'autre part. Dans ce dernier a été reconstitué un parcours autour de l'oeuvre de Charlot. C'est ici que les visiteurs sont accueillis, dans une salle de cinéma où sont projetés des extraits d'une filmographie de légende. Lorsque la lumière revient, l'écran s'escamote et apparaît une rue de Londres avec immeubles, personnage de cire et marchande de quatre saisons. Évocation de l'enfance misérable du grand homme. Débute alors un cheminement dans un décor de carton-pâte, pas toujours de très bon goût, où se mêlent la vie et l'oeuvre du génial Charlot sans vraiment de cohérence.

Brando, Capote, Haskil

Grévin, partenaire du projet, s'en est donné à coeur joie. Les figurines de cire sont légion. Les touristes ne boudent pas le plaisir d'un selfie avec une Paulette Goddard ripolinée ou celui de franchir les barreaux en caoutchouc de la prison du Kid.

Dans le manoir qu'on rejoint après une courte traversée du parc, on s'attend à visiter une maison d'artiste reconstituée avec fidélité. On pénètre dans le bâtiment par la grande porte que franchirent, entre autres célébrités, Marlon Brando, Truman Capote ou Clara Haskil. Déception : plus rien ne semble subsister de l'élégante demeure.

Un Charlie Chaplin assez peu ressemblant, grisonnant et bondissant, accueille en bas du grand escalier. On s'élève d'un étage, celui des chambres, pour découvrir une salle de bains occupée par la figure de cire d'un ami de la famille, Albert Einstein. Vient ensuite une enfilade de pièces aux volets fermées encombrées de mille choses sans véritable intérêt. Dans l'une d'elles a été reconstituée la chambre à coucher des Chaplin. Confidence du guide, elle n'aurait qu'un rapport très lointain avec celle qu'occupait le couple. Sur le mur est projetée en boucle la cérémonie des Oscars de 1972, à Hollywood. Chaplin eut droit à la plus longue ovation jamais enregistrée.

Un peu plus loin se trouve une grande pièce où, devant Charlie et Oona (énièmes représentations en cire), un appareil d'époque projette les films amateurs tournés par Lady Chaplin à l'aide d'une petite caméra de poche. Scène merveilleuse et muette d'une intimité heureuse où la famille se met en scène dans de grands éclats de rire. On saisit alors ce qu'était la beauté du Manoir de Ban. Mélange d'élégance et de grâce d'une maison de famille sur laquelle tout semblait briller dans un luxe discret : exquis fleuri des coussins, mobilier de jardin en osier, meubles anciens, profusion de maîtres d'hôtel, etc. Comme un parfum d'autrefois dont on hume l'essence au rez-de-chaussée, occupé par le bureau, dans le grand salon et la salle à manger avec la table dressée, l'éclairage naturel et l'absence complète de mise en scène. On respire enfin. Dans ces pièces, heureusement, les personnages de cire ont définitivement fondu. Tant mieux, car c'est la dernière image de cette longue visite (compter deux heures) qui laisse un peu sur sa faim. Si on sait tout de la vie de Charlie Chaplin ainsi que de son oeuvre, le lieu où il vécut un quart de siècle garde son secret.

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