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Chaplin : une vie.
3 février 2015

Eugène, fils du légendaire Charlie Chaplin, sort du silence

 

Publié le dimanche 04 janvier 2015 à 11h04
Eugène, fils du légendaire Charlie Chaplin  sort du silence
Eugène Chaplin: "Papa nous faisait beaucoup rire"Photo MaxPPP/EPA

À l’occasion de la sortie du film de Xavier Beauvois, qui revient sur l’enlèvement de la dépouille de Charlie Chaplin, son fils Eugène se souvient de l’événement, qui a marqué son enfance.

Avec quelques kilos de plus et un flegme très helvétique, Eugène est le portrait craché de son père, Charlie Chaplin. À quelques jours de la sortie de La Rançon de la gloire (1), le nouveau film de Xavier Beauvois, qui raconte, sur un mode tragicomique, l'enlèvement de la dépouille de Charlot par deux Pieds nickelés (Benoît Poelvoorde et Roschdy Zem dans le film), ce tranquille sexagénaire, gestionnaire de la fondation familiale avec ses sept frères et sœurs, a accepté de sortir de sa réserve habituelle pour se souvenir de l'événement qui a marqué son enfance.

Charlie Chaplin est mort d'un AVC dans la nuit de Noël 1977. Alors que ses obsèques venaient d'être célébrées à Vevey, en Suisse, où il vivait depuis des années avec Oona O'Neill, son épouse, et leurs huit enfants, un matin, la police helvétique sonne à la porte, et leur apprend que la sépulture a été ouverte et que le cercueil de Charlot a disparu !

Comment votre famille a-t-elle réagi à ce coup du sort rocambolesque ?
C'est arrivé dans les jours suivant son décès. Nous étions encore sous le choc. La police voulait convaincre ma mère de payer la rançon que les ravisseurs demandaient, mais elle craignait, en le faisant, que cela donne l'idée à d'autres malfaiteurs de s'attaquer à nous, ses enfants. La philosophie familiale était plutôt de penser : « Bon, ils ont pris le cercueil et alors ? » Cela n'enlevait, ni n'ajoutait rien à la peine qu'on pouvait avoir de la disparition de mon père. C'était même plutôt dans sa manière, de disparaître ainsi une deuxième fois…

Avez-vous hésité à autoriser Xavier Beauvois à raconter cette affaire, aujourd'hui oubliée ?
J'étais même celui d'entre nous qui était le plus opposé au projet, avant de lire le scénario et de rencontrer Xavier Beauvois. Je ne l'ai d'ailleurs fait que parce que je trouvais élégant de sa part d'avoir pensé à demander notre avis. Il n'y était pas du tout obligé, puisque les faits sont connus de tous et ont été jugés. Il nous a expliqué qu'il concevait son film comme un hommage à mon papa. Ça m'a touché. J'ai vu ses films précédents et j'en ai conclu que, tant qu'à remuer à nouveau ces mauvais souvenirs, autant que ce soit fait par quelqu'un de talent. La fondation familiale s'est réunie pour en délibérer, comme elle le fait sur toutes les affaires concernant l'œuvre de notre père, et, au final, il y a eu une majorité de oui.

Vous avez même autorisé le tournage dans la maison familiale. Ça doit être émouvant de voir reconstitués à l'écran les jours qui ont suivi la mort de votre père ?
Oui, c'est un peu de souffrance. Mais nous avions déjà décidé de transformer la maison en musée pour faire vivre la mémoire de papa et de son œuvre. Aujourd'hui, tout est en travaux, on espère ouvrir en avril 2016. Les visiteurs pourront voir la maison telle qu'elle était lorsque nous y vivions en famille et il y aura un petit bâtiment à côté, dans lequel seront reconstitués l'univers des films de papa et celui de son enfance à Londres. On entrera d'ailleurs par les toits de Londres et on descendra dans les ruelles de ses films…

Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance à Vevey ?
Je me souviens surtout que papa travaillait beaucoup dans son bureau. On nous demandait sans cesse, à nous les enfants, de faire moins de bruit pour ne pas le déranger. La vie était très réglée par ma mère. Tout était organisé et nous mangions à heures fixes. Malgré son immense succès et tout ce qu'il devait gérer, papa passait beaucoup de temps avec nous. Nous regardions la télé ensemble et je le revois s'emporter en écoutant les nouvelles. Je me rappelle aussi de longues parties de foot sur la pelouse - qu'il exigeait toujours impeccablement entretenue. On n'avait pas d'animaux, pour éviter qu'il y ait des déjections.

Votre père vous faisait-il rire ?
Beaucoup ! Quand son frère Sidney était encore en vie et qu'il venait à la maison, ils n'arrêtaient pas de faire des gags et nous étions morts de rire. Même seul avec nous, il ne pouvait s'empêcher de faire le pitre. Un de ses gags préférés était de disparaître derrière le sofa du salon en faisant comme s'il descendait un escalier invisible.

Aviez-vous conscience de ce qu'il représentait ?
Oui et non. La célébrité faisait partie de notre vie, mais nous y étions habitués. Charlot et papa étaient deux personnes différentes pour moi. À Vevey, il vivait tout à fait normalement. Il allait consulter le médecin du village et partait faire les commissions avec ma mère. En fait, il adorait ça. Nous allions à l'école communale comme tous les enfants du coin. Il n'y a que lorsque nous voyagions que les choses étaient un peu différentes. On ne passait pas la douane avec les autres, et des photographes nous attendaient à l'aéroport.

Vous deviez aussi recevoir beaucoup de célébrités ?
Effectivement. Et pas toujours quand on les attendait ! Je me souviens notamment d'une fois où on a sonné à la porte, et c'était Michel Simon. Il tournait un film dans le coin et avait eu le culot de venir sans s'annoncer. Papa l'a reçu avec plaisir et ils ont parlé plus d'une heure. Nous, les enfants, il nous faisait peur : il était déjà fort laid et en plus, ce jour-là, il s'était coupé le visage en se rasant ! Truman Capote venait régulièrement voir papa. Ses provocations et ses manières rendaient mon père fou, mais il admirait son talent d'écrivain. Yul Brynner et Charles Lindbergh habitaient tout près et notre voisin était James Mason. Il est d'ailleurs enterré à côté de mon père…


1. La Rançon de la gloire, de Xavier Beauvois, sortie en salles le 7 janvier.

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